Dans ce numéro, Karen Higgins et Kayla Macfarlane nous font part de leurs réflexions sur un sujet d’actualité, le financement participatif.
L’article qui suit présente un aperçu des différents types de financement participatif existant actuellement sur le marché ainsi que des répercussions sur l’information financière. Il contient également les récentes prises de position des autorités en valeurs mobilières en la matière.
Cordialement,
Chantal Rassart
Associée | Chef de la gestion des connaissances en audit
Une façon novatrice de recueillir des fonds – quelles en sont les répercussions sur la présentation de l’information financière?
Vous avez une idée géniale? Par exemple, vous avez développé un produit ou vous souhaitez mobiliser des ressources pour une cause qui vous tient à cœur, mais vous n’arrivez pas à amasser des fonds pour faire avancer votre projet à l’aide des moyens conventionnels? Que faire? Vous avez le choix d’abandonner votre projet ou d’adopter une approche devenue récemment très populaire, soit celle du financement participatif. Affichant un volume de financement de plus de 34 milliards de dollars juste en 2015, il s’agit définitivement d’un sujet sur lequel il vaut la peine de se pencher!
Qu’est-ce que le financement participatif? Comme son nom le suggère, il s’agit du processus visant à recueillir des fonds à partir d’un grand bassin de personnes. Le concept est simple : une entreprise qui se lance en affaires a besoin de fonds et souhaite peut-être également « tâter le terrain » pour déterminer s’il est propice à un produit ou un concept qu’elle offre ou pour lequel elle se passionne. De leur côté, les personnes qui contribuent au financement s’attendent à quelque chose en retour, par exemple un rendement sur leur investissement ou des ristournes ou tout simplement la satisfaction de contribuer à l’avancement d’une cause. Il semblerait que le financement participatif soit un mécanisme qui permet d’atteindre tous ces objectifs : il ne faut donc pas se surprendre de la popularité croissante de ce modèle de financement.
Source: 2015CF - Crowdfunding Industry Report
Le financement participatif vu de plus près
Avant de nous pencher sur certains éléments à considérer relatifs à l’information financière, nous aimerions vous donner un aperçu de ce qu’est le financement participatif.
Une idée est présentée sur une plateforme de sociofinancement (comme Kickstarter ou Ideiegogo) : des individus et des entreprises se servent donc d’Internet pour faire la promotion de leur projet ou idée et pour recueillir des capitaux par le biais d’un portail Web. Le principe des plateformes de sociofinancement est simple : être en mesure de réunir des fonds considérables en ayant accès à un grand bassin d’investisseurs, chaque investisseur faisant habituellement une contribution d’un montant peu élevé.
Au-delà de la collecte de fonds, le recours à ce type de plateforme présente de nombreux autres avantages. Par exemple, la validation anticipée d’un produit ou d’un concept, une commercialisation gratuite, des relations publiques sans frais et un accès à des consommateurs fidèles dès le tout début. En outre, selon plusieurs utilisateurs, la combinaison d’une plateforme de sociofinancement à un modèle approprié de financement participatif (voir ci-dessous) permet de pénétrer rapidement les marchés locaux et internationaux : les produits et les concepts lancés de cette manière sont en effet adoptés à un rythme foudroyant.
Il existe plusieurs modèles de financement participatif. En 2015, nous avons constaté que la plupart des campagnes de sociofinancement se classaient dans l’une ou l’autre des catégories suivantes :
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À vocation sociale/ Dons – p. ex. des entités qui amassent des fonds pour développer, vendre ou distribuer leur produit |
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Achat anticipé/Avantage – p. ex. un échantillon d’un produit est envoyé en contrepartie d’un don |
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Prêts entre pairs – p. ex. l’entreprise qui avance le prêt offre des titres d’emprunt à faible taux d’intérêt |
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Capitaux propres – p. ex. détention d’une participation dans une société fermée. |
Pourquoi le financement participatif revêt-il de l’intérêt en matière de présentation de l’information financière? Les entités qui participent à ce type de financement ou qui envisagent de le faire doivent se pencher sur certaines questions clés en ce qui a trait à la présentation de l’information financière aux parties prenantes. Ces mêmes questions ont commencé à mettre en lumière des problèmes très particuliers relativement à la présentation de l’information financière et ont attiré l’attention de diverses parties prenantes, notamment les commissions de valeurs mobilières, les autorités de réglementation et, bien sûr, les propriétaires d’entreprises eux-mêmes.
Répercussions sur l’information financière
Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, il existe différents types de campagne de sociofinancement qui vont du simple don (sans aucun rendement financier) aux modèles plus complexes où des titres d’emprunt ou d’instruments de capitaux propres sont émis.
Il est essentiel de comprendre les facteurs économiques sous-jacents pour identifier les répercussions sur l’information financière et la manière dont il faut comptabiliser les apports financiers ainsi obtenus. Les premières questions qu’il convient de se poser sont les suivantes : quel type d’entité a reçu le paiement (s’agit-il d’un organisme de bienfaisance, d’un organisme sans but lucratif, d’un individu ou autre?) et, le cas échéant, qu’a promis l’entité en retour au donateur? Les questions ci-dessous vous aideront à cerner les détails importants dont il faut tenir compte pour identifier les répercussions sur l’information financière d’un scénario particulier :
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À vocation sociale/ Dons – Qu’arrive-t-il si les fonds amassés sont insuffisants? Quelles obligations l’entité doit-elle remplir si le produit n’est pas terminé ou si le modèle ne fonctionne pas? Existe-t-il un droit de retour, et si oui, lequel? |
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Achat anticipé/Avantage –
Existe-t-il des contrats à prestations multiples? Quelles sont les
conditions à remplir pour répondre au critère de comptabilisation des
produits? Existe-t-il un droit de retour, et si oui, lequel? Ou, si les
produits sont reportés, à quel moment et sur quelle base serait-il
approprié de comptabiliser ces montants dans les produits?
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Prêts entre pairs – Les titres d’emprunt portent-ils intérêt? Quelles sont les conditions de remboursement et à quel poste le prêt sera-t-il classé dans le bilan? Existe-t-il des engagements ou des obligations dont il faut tenir compte (par exemple, lorsque des avantages liés au produit sont attachés au titre d’emprunt)? |
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Capitaux propres – l’entreprise est-elle une entité ayant une obligation d’information du public? Quel référentiel comptable doit-elle adopter? Pour plus d’information sur la définition de ce type d’entité, reportez-vous au
Compte rendu de la réunion de mai 2015 du Groupe de discussion sur les IFRS
(disponible uniquement en anglais) où cette question a été abordée. |
La liste ci-dessus n’est pas exhaustive, mais elle est matière à réflexion pour mieux comprendre pourquoi le financement participatif est un sujet d’actualité dans le domaine de la présentation de l’information financière.
Qu’en disent les autorités en valeurs mobilières?
La réglementation sur les valeurs mobilières relativement à ce type de financement continue d’évoluer. Toutefois, le 5 novembre 2015, les autorités en valeurs mobilières du Manitoba, de l’Ontario, du Québec, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse ont publié la version définitive du
Règlement 45-108, « Financement participatif » qui introduit une dispense de prospectus pour les émetteurs recourant au financement participatif ainsi qu’un cadre d’inscription pour les portails de financement. Selon le Règlement 45-108, les émetteurs peuvent uniquement placer leurs titres par l’intermédiaire de portails de financement inscrits. Ces portails rempliront certaines fonctions de contrôle consistant notamment à examiner l’information présentée par les émetteurs et à obtenir des vérifications des antécédents des émetteurs ainsi que de leurs administrateurs, membres de la haute direction et promoteurs.
Dans le même esprit, en mai 2015, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont publié l’Avis Multilatéral 45-316, « Dispenses d’inscription et de prospectus pour financement participatif des entreprises en démarrage ». Cet avis multilatéral contient également des directives à l’intention des entités qui tentent de réunir des capitaux contre un droit de participation dans leurs activités. Certaines provinces offriront donc des dispenses pour ce type de placements de titres. Par exemple, dans certaines provinces, l’autorité de réglementation provinciale a statué que les NCECF constituaient un référentiel acceptable pour la présentation des états financiers.
Pour finir, un mot pour tous ceux qui seraient intéressés par ce qui se passe aux États-Unis à ce sujet : des exemptions similaires pourraient s’appliquer. En effet, le 30 octobre 2015, la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis a proposé des
modifications à la réglementation existante aux termes de la règle 147 de la Securities Act. Ces modifications visent à réglementer les portails de financement sur lesquels les placements ont lieu en plus d’exiger des entreprises de fournir certaines informations lors de la collecte de fonds par l’intermédiaire de ces plateformes.
L’avenir du financement participatif
Il apparaît clairement selon la popularité croissante de ce phénomène et les tendances observées au cours des dernières années que nous sommes entrés dans une nouvelle ère de financement social. C’est peu surprenant compte tenu de l’explosion des médias sociaux, qui ont changé pratiquement tous les aspects de notre vie. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’ils aient aussi une incidence sur le domaine de la présentation de l’information financière. Par conséquent, nous pouvons nous attendre non seulement à une expansion du financement participatif, mais aussi à l’émergence d’une version « citoyenne » au sein du marché canadien et des marchés internationaux. Bref, ce sujet continuera vraisemblablement de susciter de l’intérêt ainsi que des questions liées à la présentation de l’information financière dans les années à venir!
Karen Higgins, FCPA, FCA
Associée | Services nationaux
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Kayla Macfarlane, CPA, CA
Directrice | Services nationaux
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