Une vision claire des IFRS – Considérations comptables relatives aux pertes de crédit attendues en lien avec la maladie à coronavirus 2019

Publié le: 02 avril 2020

La présente publication a pour objectif de mettre en lumière certaines questions importantes dont les prêteurs et les banques doivent tenir compte lorsqu’ils appliquent la comptabilisation des pertes de crédit attendues dans leurs états financiers IFRS. Les répercussions sur la présentation de l’information financière autres que la comptabilisation des pertes de crédit attendues sont présentées dans ce bulletin Une vision claire des IFRS.

 

Introduction

La pandémie de coronavirus 2019 (COVID-19) touche les principaux marchés financiers, et pratiquement tous les secteurs d’activité sont confrontés aux conséquences économiques des efforts déployés pour y faire face. Ainsi, de nombreuses entités des secteurs du voyage, de l’hôtellerie, des loisirs et de la vente au détail ont vu leurs revenus diminuer fortement en raison des mesures réglementaires ou organisationnelles adoptées (injonctions de « rester à la maison », fermetures d’écoles, etc.) et des changements volontaires dans le comportement des consommateurs (comme la « distanciation sociale »).

Alors que la pandémie se propage et s’installe dans la durée, les entités doivent faire face à des facteurs souvent associés à un ralentissement économique général. Ces facteurs comprennent, sans s’y limiter, la volatilité et l’érosion des marchés des capitaux, la détérioration du crédit, les problèmes de liquidité, une intervention accrue des pouvoirs publics, la hausse du chômage, la baisse généralisée des dépenses discrétionnaires des consommateurs, l’augmentation des niveaux de stocks, la réduction de la production en raison de la baisse de la demande, les licenciements et les mises à pied ainsi que d’autres activités de restructuration. Les circonstances actuelles pourraient, si elles se prolongeaient, déboucher sur un ralentissement économique encore plus marqué qui pourrait avoir un impact négatif prolongé sur les résultats financiers d’une entité.

La présente édition de Une vision claire des IFRS porte sur certains points clés à considérer relativement aux normes IFRS en ce qui a trait à la comptabilisation des pertes de crédit attendues (PCA) qui pourraient découler de la pandémie de la COVID-19. Cette publication s’adresse principalement aux prêteurs et aux banques (collectivement appelés les « banques »), mais une grande partie de son contenu s’applique également à l’évaluation des PCA dans des secteurs autres que les services financiers, notamment la comptabilisation des PCA au titre des actifs sur contrats en vertu d’IFRS 15, Produits des activités ordinaires tirés de contrats conclus avec des clients, des créances clients et des créances locatives et des contrats de garantie financière établis pour le remboursement des pertes de crédit subies par des prêteurs à des entreprises associées ou à des coentreprises.

La comptabilisation des PCA est particulièrement complexe pour les banques, puisqu’elle a été conçue pour intégrer des estimations d’incidents de crédit ainsi que les insuffisances de flux de trésorerie qui en découlent à l’aide d’une méthode fondée sur des pondérations probabilistes. Il est plus difficile d’établir ces estimations en période de grande incertitude. Cette publication présente les principaux aspects de la comptabilisation des PCA, et met particulièrement l’accent sur l’évaluation des PCA dans une conjoncture difficile et sur l’incidence possible des modifications et de l’aide gouvernementale.

Nous souhaitons également attirer votre attention sur le document intitulé Application of IFRS 9 in the light of the coronavirus uncertainty, publié par l’International Accounting Standards Board (IASB) le 27 mars 2020.

 

Champ d’application des dispositions d’IFRS 9 en matière de dépréciation

Il convient de réexaminer les dispositions relatives au champ d’application de la comptabilisation des PCA, puisqu’elles portent surtout sur son application aux prêts, mais le champ d’application est beaucoup plus vaste. Ces dispositions s’appliquent également aux titres de créance (évalués au coût amorti ou à la juste valeur par le biais des autres éléments du résultat global), aux créances clients, aux actifs sur contrat selon IFRS 15, Produits des activités ordinaires tirés de contrats conclus avec des clients, aux créances locatives selon IFRS 16, Contrats de location, aux engagements de prêt émis et aux contrats de garantie financière émis qui ne sont pas comptabilisés selon IFRS 4, Contrats d’assurance et IFRS 17, Contrats d’assurance.

La question de la comptabilisation des engagements de prêt et des contrats de garantie financière émis est particulièrement importante pour les banques. En période de difficultés économiques, les entreprises qui empruntent sont plus susceptibles de faire des prélèvements sur des facilités de crédit. L’émetteur d’un engagement de prêt doit réévaluer le montant des PCA, puisque les prélèvements futurs prévus peuvent être associés à une probabilité de défaillance accrue des entreprises qui ont recours à des facilités pour répondre à leurs besoins de liquidités à court terme dans un contexte marqué par la diminution de la production et du chiffre d’affaires. De même, les contrats de garantie financière prévoyant le remboursement du titulaire d’une garantie en cas de défaut de paiement d’un emprunteur à l’égard d’un instrument d’emprunt particulier sont associés à une probabilité de défaillance accrue lorsque l’émetteur du titre de créance garanti éprouve des difficultés financières. Toutes choses étant égales par ailleurs, une probabilité de défaillance accrue se traduit généralement par une augmentation des PCA.

 

Application et calendrier de comptabilisation

En vertu du modèle de dépréciation général, une perte de crédit attendue s’entend d’une évaluation actualisée des insuffisances de flux de trésorerie attendues fondée sur des pondérations probabilistes et établie en fonction d’incidents de crédit survenant dans les 12 mois suivant la date de clôture (les pertes de crédit attendues pour les 12 mois à venir) ou en fonction d’incidents de crédit survenant au cours de la durée de vie de l’instrument financier (les pertes de crédit attendues pour la durée de vie)1. Lorsque la durée des expositions au risque de crédit est inférieure à 12 mois, le montant des pertes de crédit attendues pour les 12 mois à venir correspond à celui des pertes de crédit attendues pour la durée de vie.

La norme IFRS 9 a été conçue de manière à porter sur les informations prospectives, et énonce des directives sur la présentation des prévisions concernant la survenance d’événements futurs liés au crédit (et des insuffisances de trésorerie qui en découlent) évalués à la date de clôture. La détermination des PCA doit tenir compte de l’ensemble des informations raisonnables et justifiables, y compris les informations prospectives (paragraphe 5.5.4 d’IFRS 9). Il convient de déterminer avec soin les informations prospectives à utiliser, puisqu’elles doivent refléter les informations prospectives disponibles à la date de clôture.

Les informations prospectives prennent diverses formes, notamment les suivantes :

  • des prévisions macroéconomiques, notamment sur le PIB, les taux de croissance dans un secteur d’activités, le chômage (à l’échelle nationale et régionale), l’inflation, les taux d’intérêt et l’indexation des prix immobiliers;
  • la probabilité de défaut de paiement d’un emprunteur en raison de facteurs macroéconomiques qui lui sont propres. Il faut tenir compte du fait que les emprunteurs pourraient accorder la priorité au remboursement de certaines dettes. Le risque de crédit associé aux montants dus par un même emprunteur peut donc varier;
  • le comportement de l’emprunteur en ce qui a trait au calendrier des options de paiement anticipé ou de prolongation ou le recours à des facilités non utilisées ayant une incidence sur le risque auquel le prêteur est exposé;
  • l’évaluation des biens affectés en garantie et le moment de la saisie de ces biens.

Ces informations prospectives influent sur trois données d’entrées importantes pour la modélisation des PCA :

  • la probabilité de défaillance (PD);
  • l’exposition en cas de défaillance (ECD);
  • la perte en cas de défaillance (PCD).

Comme les PCA doivent refléter les insuffisances de flux de trésorerie attendues découlant du non-paiement de l’emprunteur, les informations prospectives doivent se rapporter aussi précisément que possible à la situation économique de ce dernier. Les répercussions économiques de la COVID-19 sont variables. Par exemple, les répercussions sur les entreprises qui empruntent varient selon leur secteur d’activité. Dans le secteur du commerce de détail, l’incidence pour les emprunteurs varie en fonction de l’emplacement géographique, du statut d’emploi et d’autres engagements de crédit.

Il faut tenir compte des exigences d’IAS 10, Événements postérieurs à la date de clôture. Cette norme fait la distinction entre les événements donnant lieu à des ajustements et ceux qui ne donnent pas lieu à des ajustements. Les événements donnant lieu à des ajustements sont ceux qui contribuent à confirmer des situations qui existaient à la fin de la période de présentation de l’information financière. Ils doivent donc être pris en compte dans l’évaluation des soldes au cours de la période de présentation de l’information financière. Les événements ne donnant pas lieu à des ajustements sont ceux qui indiquent une situation apparue après la date de clôture (chapitre 3 d’IAS 10).

Au 31 décembre 2019, les informations prospectives sur l’incidence économique de la COVID-19 étaient beaucoup plus limitées qu’à la date de la présente publication. De façon générale, les entreprises estimaient qu’il était peu probable que des scénarios défavorables importants se concrétisent, ce qui a pourtant été le cas depuis. Les émetteurs ayant une période de présentation de l’information financière prenant fin en 2020 devront mettre à jour leurs informations prospectives afin qu’elles tiennent compte des prévisions à la date de clôture. Les entités devront faire la distinction entre les nouveaux événements survenus après la date de clôture et les événements ayant fait l’objet de prévisions raisonnables à cette date et qu’elles estimaient donc pris en compte dans l’évaluation prospective effectuée à la date de clôture. Cette évaluation peut notamment porter sur la gravité et l’étendue des cas d’infection au coronavirus dans les régions où l’entité est exposée au risque de crédit à la date de clôture, ainsi que sur l’évolution des taux d’infection dans d’autres régions précédemment touchées.

Une entité pourrait estimer qu’il est raisonnable d’établir des données macroéconomiques prévisionnelles particulières à la fin de la période de présentation de l’information financière aux fins de la modélisation des PCA. Le fait que ces données macroéconomiques ne se concrétisent pas ou qu’elles soient modifiées après la date de clôture ne saurait justifier la révision des prévisions de l’entité à la date de clôture. Une telle révision constituerait une utilisation inappropriée des connaissances acquises a posteriori et ne tiendrait pas compte des circonstances qui prévalaient à la date de clôture. Il est nécessaire d’exercer un degré élevé de jugement pour établir la distinction entre les événements donnant lieu à des ajustements et ceux qui ne donnent pas lieu à des ajustements, en particulier dans la conjoncture actuelle, les répercussions économiques de la pandémie de la COVID-19 étant devenues évidentes peu après la date de clôture.

Les graves conséquences économiques de la COVID-19 après la date de clôture devront être prises en compte, même si elles constituent des événements ne donnant pas lieu à des ajustements. Si des événements significatifs ne donnant pas lieu à des ajustements surviennent après la date de clôture, l’entité devra présenter la nature de l’événement et une estimation de son effet financier, ou l’indication que cette estimation ne peut être faite (IAS 10:21). Les banques ayant des expositions significatives devant faire l’objet d’une comptabilisation des PCA devront tenir compte de l’étendue des informations à fournir et de la mesure dans laquelle il est possible de déterminer l’effet financier.

Lorsqu’une entité n’est pas en mesure de recalculer les PCA pour déterminer l’effet financier, elle doit envisager de fournir d’autres informations qualitatives et quantitatives, notamment les soldes pour lesquels les PCA devraient connaître les modifications les plus importantes, puisque l’incidence de la COVID-19 sur ces PCA pourrait varier selon les expositions de l’entité.

 

Définitions, choix de méthodes comptables et jugements portés lors de l’application des méthodes comptables

Lorsqu’elles appliquent IFRS 9, les entités définissent un certain nombre de termes clés et prennent certaines décisions importantes liées à l’application de la norme pour l’évaluation des PCA. Elles doivent notamment définir le terme « défaillance », ce qui est essentiel pour l’application de la comptabilisation des PCA, puisque ce terme correspond à la lettre « D » dans les acronymes PD, ECD et PCD. La définition de « défaillance » influe directement sur le classement des expositions à la phase 1 (qui sont donc évaluées en fonction des PCA pour les 12 mois à venir) ou aux phases 2 et 3 (évaluées en fonction des PCA pour la durée de vie), puisque le classement par phase se fonde sur la probabilité de défaillance (« PD »). En outre, le reclassement d’expositions de la phase 1 survient lorsqu’il y a eu une augmentation importante du risque de crédit. L’augmentation de ce risque est évaluée en comparant la PD pour la durée de vie de l’exposition au moment de la comptabilisation initiale à la PD à la date de clôture. Le paragraphe B5.5.37 d’IFRS 9 exige que la définition de « défaillance » soit appliquée uniformément à tous les instruments financiers, à moins que des informations qui deviennent disponibles indiquent qu’une autre définition de « défaillance » convient davantage à un instrument financier particulier.

Bien qu’IFRS 9 ne définisse pas la notion de « défaillance », les banques auront déjà établi leur propre définition et l’auront appliquée depuis leur première application d’IFRS 9. Le paragraphe B5.5.37 de la norme stipule que la définition de « défaillance » doit correspondre à la définition utilisée aux fins de la gestion interne du risque de crédit. Les entités doivent appliquer cette définition de la même manière d’une période à l’autre, mais elles pourraient devoir la réviser pour s’assurer qu’elle reflète les conditions économiques actuelles. À titre d’exemple, les banques considèrent souvent le critère de « paiement improbable » comme un indicateur de défaillance. Ces critères pourraient devoir être mis à jour pour tenir compte des indicateurs actuels compte tenu des défauts de paiement fréquents des emprunteurs dans la conjoncture actuelle. De même, les définitions de « défaillance » sont souvent uniformisées, dans une mesure acceptable, avec les définitions de « défaillance » de la réglementation prudentielle. Certains organismes de réglementation prudentielle ont publié des directives mises à jour au sujet des définitions de « défaillance » d’ordre prudentiel en raison de la COVID-19, et les banques devront déterminer si ces définitions conviennent à la comptabilisation des PCA.

Les banques devront tenir compte des dispositions du paragraphe B5.5.37 d’IFRS 9, qui stipulent qu’il existe une présomption réfutable selon laquelle le moment où la défaillance survient ne peut se situer plus de 90 jours après celui où l’actif financier devient en souffrance, à moins que l’entité dispose d’informations raisonnables et justifiables pour démontrer qu’un critère de défaillance tardif convient davantage. Il faut faire preuve de prudence au moment de réfuter cette présomption, tout particulièrement dans la conjoncture actuelle, puisqu’un nombre plus élevé de soldes pourraient être en souffrance pendant une plus longue période, ce qui pourrait révéler une probabilité de défaillance accrue. À l’inverse, lorsque des congés permettant aux emprunteurs de reporter certains paiements sont offerts, ces montants pourraient ne plus être en souffrance.

Le paragraphe 5.5.11 d’IFRS 9 stipule également qu’il existe une présomption réfutable d’augmentation importante du risque de crédit si un paiement est en souffrance depuis plus de 30 jours. Le paragraphe B5.5.19 d’IFRS 9 établit clairement que la période de 30 jours est présumée correspondre au moment le plus tardif auquel une augmentation importante du risque de crédit survient, et en pratique, les entités peuvent utiliser cette période de 30 jours comme un seuil-repère parmi d’autres indicateurs quantitatifs et qualitatifs d’une augmentation importante du risque de crédit.

Lorsque les paiements différés ou les retards de paiement augmentent en période de difficultés économiques, les banques doivent déterminer si ces paiements donneront lieu à une insuffisance de flux de trésorerie. Dans certains cas, ces paiements ne donneront lieu à aucune insuffisance de flux de trésorerie, par exemple lorsqu’ils sont reportés et qu’ils portent intérêt au taux contractuel, et que l’on s’attend à recouvrer les montants en entier. Dans d’autres cas, les banques ne sont pas autorisées à exiger des intérêts sur les paiements différés, ou peuvent uniquement exiger des intérêts à un taux inférieur au taux contractuel initial. Ces paiements donneraient donc lieu à une insuffisance de flux de trésorerie.

IFRS 9 permet aux entités de conclure que les instruments financiers dont le risque de crédit est faible2 à la date de comptabilisation initiale et à la date de clôture n’ont pas subi d’augmentation importante du risque de crédit et qu’ils demeurent à la phase 1. Compte tenu du rythme auquel évolue le contexte économique, les banques devront déterminer s’il est raisonnable de considérer que certaines expositions présentent un faible risque de crédit. À cette fin, les banques utilisent souvent les notations de crédit internes et externes. Elles doivent donc déterminer si ces notations sont à jour à la date de clôture, puisqu’elles pourraient ne pas tenir compte d’une augmentation du risque de crédit ni des conditions de crédit à la date de clôture.

 

Risque lié aux modèles

Les modèles utilisés par de nombreuses banques n’ont pas été conçus pour tenir compte de conditions économiques extrêmes ni des mesures de soutien importantes qu’adoptent actuellement les gouvernements. Les entités pourraient donc juger nécessaire d’élaborer de nouveaux modèles. L’utilisation de données économiques reflétant davantage cette situation pourrait également permettre de relever certains problèmes liés à la sensibilité et à l’étalonnage des modèles existants (notamment en ce qui a trait au transfert de certains éléments à la phase 2).

Les banques ont parfois recours à des ajustements postérieurs à l’application du modèle pour refléter les risques et d’autres incertitudes qui ne sont pas prises en compte dans les modèles d’évaluation des PCA sous-jacents. Ces ajustements tiennent compte du fait que le modèle peut avoir ses limites et ne pas refléter les conditions économiques prévues à la date de clôture. La vitesse à laquelle se succèdent les répercussions de la COVID-19 sur l’économie pourrait amener les banques à apporter des ajustements postérieurs à l’application du modèle afin de combler les lacunes de leur modèle d’évaluation des PCA, ce dernier n’ayant pas été forcément conçu pour tenir compte du contexte économique actuel. Comme les ajustements postérieurs à l’application des modèles se superposent aux données de sortie des modèles, ils doivent être dûment contrôlés, autorisés, documentés, et possiblement communiqués.

 

Analyse par phase

L’analyse par phase d’une entité (et l’évaluation ultérieure des PCA au titre des prêts à chaque phase) nécessite une évaluation des informations prospectives, surtout en ce qui concerne la PD pour la durée de vie. La détermination d’informations prospectives qui rendent compte adéquatement de l’incidence possible de la COVID-19 constituera l’un des principaux défis des banques en ce qui a trait à l’évaluation des PCA dans la conjoncture actuelle.

Compte tenu de l’incertitude à l’égard de la gravité et de la durée de cette incidence, certaines banques pourraient présumer que la situation se résorbera rapidement grâce à l’intervention du gouvernement. Elles pourraient donc privilégier les prévisions à long terme en s’appuyant sur l’expérience passée. Les banques doivent tenir compte des prévisions économiques officielles des banques centrales et d’autres organismes de réglementation, ainsi que des prévisions de leurs propres économistes pour évaluer la gravité et la durée de la détérioration des conditions macro-économiques.

Bien qu’il soit difficile de déterminer les informations prospectives pertinentes, les entités sont néanmoins tenues d’établir des estimations fondées sur les informations raisonnables et justifiables qu’il est possible d’obtenir à la date de clôture sans devoir engager des coûts ou des efforts déraisonnables (paragraphe 5.5.17 d’IFRS 9). Pour ce faire, elles pourraient devoir s’appuyer davantage sur des sources d’information externes sur la probabilité de défaillance (p. ex. les notations des agences d’évaluation du crédit ou les écarts par défaut), puisque les données historiques pourraient ne pas être suffisamment pertinentes. Les entités doivent toutefois éviter de s’appuyer de façon excessive sur ces sources d’information, puisque les cours de marché des titres de créance et des dérivés pourraient refléter l’incidence de facteurs autres que le risque de défaillance de l’emprunteur (notamment la liquidité du marché ou l’évaluation par le marché de la valeur des garanties), et les notations peuvent constituer un indicateur a posteriori du risque de crédit.

Les entités qui ont du mal à cerner et à estimer les répercussions de la COVID-19 sur un instrument particulier peuvent effectuer une analyse par phase sur une base collective, en particulier lorsque les expositions au risque de crédit sont concentrées dans certaines régions ou certains secteurs durement touchés par la pandémie (un peu comme l’indique l’exemple illustratif d’IFRS 9 dans lequel une appréciation collective est effectuée à l’égard d’un portefeuille de prêts qui dépend de la production continue de charbon d’une mine particulière employant une grande partie des titulaires des prêts du portefeuille). Dans certains cas, les banques peuvent même déterminer que les expositions à des secteurs entiers et à des régions précises donnent lieu à une augmentation importante du risque de crédit.

La modélisation de la PD pour la durée de vie constitue un aspect important de l’analyse par phase, mais l’identification d’une augmentation importante du risque de crédit exige d’évaluer globalement un certain nombre d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs (paragraphe B5.5.17 d’IFRS 9). Les répercussions de la COVID-19 peuvent avoir une incidence importante sur la pertinence d’un grand nombre de ces facteurs. À titre d’exemple, les paramètres liés au nombre de jours de retard (y compris les seuils-repères dont il est question ci-dessus) refléteraient l’incidence de moratoires sur les paiements permettant aux emprunteurs de tirer parti d’un congé de paiements. Les montants pourraient donc ne plus être en souffrance. Les systèmes de gestion du risque de crédit considèrent peut-être systématiquement un congé de paiement comme l’indication d’une augmentation importante du risque de crédit. Ces systèmes devront peut-être être modifiés pour tenir compte du fait que dans le contexte actuel, les congés de paiement ne sont pas tous forcément indicatifs d’une augmentation importante du risque de crédit.

Les banques devront déterminer quels clients éprouvent des difficultés financières parmi ceux qui présentent une demande de congé de paiement, ce qui constituera un véritable défi opérationnel. Elles devront tenir compte de la situation de paiement et des antécédents des emprunteurs à la date à laquelle ces derniers présentent une demande de congé de paiement. Dans certains territoires, les emprunteurs doivent démontrer qu’en l’absence d’un tel congé, ils pourraient ne pas être en mesure d’effectuer les paiements contractuels au titre de leur emprunt. Une évaluation sera nécessaire peu importe si le congé de paiement offre un avantage sur le plan des liquidités à court terme ou s’il vise à compenser une détérioration de la capacité de l’emprunteur à s’acquitter de ses obligations à leur échéance, laquelle, si elle correspond à une augmentation importante de la PD pour la durée de vie, est considérée comme une augmentation importante du risque de crédit. À la date de clôture, il se peut qu’une entité ne soit pas en mesure de déterminer à quels emprunteurs cette situation s’applique. Une appréciation collective des caractéristiques de risque de crédit de ces emprunteurs pourrait être nécessaire.

La modification des pratiques de gestion du risque de crédit en réponse à la hausse des cas de défaillance pourrait nécessiter la révision des précédents indicateurs qualitatifs d’une augmentation importante du risque de crédit.

Les prévisions d’une entité quant à la durée et à la gravité du ralentissement causé par la COVID-19 et au profil de reprise qui en découle auront également une incidence importante sur son analyse par phase. Le rythme auquel les expositions étaient reclassées de la phase 2 à la phase 1 par le passé, ce que l’on appelle couramment les taux de rétablissement, pourrait être moins pertinent dans le contexte actuel si le ralentissement et la reprise économiques suivent une tendance en V (c.-à-d. un retour rapide aux taux de croissance économique qui ont précédé le ralentissement) et que les taux de rétablissement historiques se fondaient sur des crises financières antérieures pour lesquelles la reprise a été plus lente. Dans les cas où les flux de trésorerie contractuels liés à un actif financier sont renégociés ou autrement modifiés en raison d’une détérioration du crédit, le paragraphe B5.5.27 d’IFRS 9 indique qu’habituellement, les emprunteurs devront « invariablement faire montre de bonnes habitudes de paiement pendant un certain temps » à la suite de la modification avant que l’on considère que le risque de crédit a diminué.

Les rehaussements de crédit et les garanties influent souvent sur le montant qui sera recouvré en cas de défaillance (c.-à-d. la PCD). L’incidence sur la PD est généralement beaucoup plus limitée; ces facteurs n’ont donc que peu d’incidence, voire aucune incidence sur la détermination des phases. Les garanties financières permettent parfois au prêteur de recouvrer des montants auprès du garant, mais elles n’ont pas d’incidence sur la PD de l’emprunteur. Cette situation est comparable à celle qui découle de certaines mesures gouvernementales décrites ci-dessous. Ces mesures profitent directement à l’emprunteur, car elles accroissent sa capacité à s’acquitter de ses obligations contractuelles à leur échéance, ce qui influe sur sa PD.

 

Évaluation des PCA

Nombre de scénarios et pondérations probabilistes connexes
La pandémie a entraîné des perturbations économiques qui devront être prises en compte dans la modélisation des scénarios économiques. Comme ces perturbations sont généralisées, il sera nécessaire de tenir compte de l’incidence de la COVID-19 sur certains secteurs d’activité et certaines régions, en plus de mettre à jour les données économiques générales comme le PIB et les taux de chômage. Il sera difficile de regrouper des facteurs macroéconomiques comme le PIB, les taux d’intérêt, les mesures de soutien gouvernemental et les taux de chômage et des facteurs propres à certains secteurs comme la chute récente du prix du pétrole afin de déterminer la capacité d’un emprunteur à s’acquitter de ses obligations financières. Les données historiques qui ne reflètent pas la conjoncture actuelle ne permettront probablement pas d’établir des prévisions fiables en ces temps incertains.

Les banques pourraient prévoir un scénario de reprise économique suivant une tendance en V dans lequel la situation financière des emprunteurs se redresserait rapidement. Toutefois, comme cette reprise est incertaine, les banques devraient envisager d’autres scénarios plus défavorables comme une reprise suivant une tendance en U, c’est-à-dire une reprise plus lente.

Les divers scénarios économiques doivent prévoir différents rythmes de reprise des paiements par les emprunteurs, c.-à-d. les taux de rétablissement. En période de grande incertitude, il est particulièrement important de prévoir plusieurs scénarios économiques, puisque les insuffisances de flux de trésorerie ne surviennent pas de façon linéaire au cours d’un ralentissement économique. Les probabilités attribuées à ces divers scénarios nécessiteront souvent un jugement important et la présentation d’informations connexes.

PCD et ECD
Comme pour les modèles d’estimation des PD (dont il est question à la section « Analyse par phase » ci-dessus), il est possible que les banques ne disposent pas d’informations prospectives fiables suffisantes pour estimer la PCD et l’ECD. L’établissement de ces estimations est d’autant plus complexe en raison de l’incertitude à l’égard de l’incidence de la COVID-19 sur des facteurs comme la valeur des propriétés (pertinente pour déterminer la PCD), les habitudes de remboursement des emprunteurs (pertinentes pour de nombreux aspects de l’estimation des PCA, en particulier l’ECD) et d’autres facteurs comme les taux de mortalité, qui peuvent influer sur l’évaluation de certains produits comme les prêts hypothécaires inversés.

Les facteurs liés aux habitudes des emprunteurs revêteront une importance particulière en ce qui a trait aux produits qui comportent des montants utilisés et des montants non utilisés, comme les facilités de crédit renouvelable et les facilités de cartes de crédit, puisqu’une détérioration du contexte macroéconomique s’accompagne généralement d’une augmentation des volumes et de la durée des prélèvements. Le nombre élevé de prélèvements des emprunteurs en difficulté pourrait compromettre la capacité d’une banque à prendre certaines mesures de gestion du risque de crédit comme la réduction ou l’abolition de limites de crédit, ce qui aura une incidence sur la période d’exposition utilisée pour évaluer les PCA à l’égard des produits ayant une composante utilisée et une composante non utilisée (paragraphe B5.5.40 d’IFRS 9).

 

Modifications, délais de grâce et rehaussements de crédit

Compte tenu de l’incidence possible de la COVID-19 sur la capacité des emprunteurs à s’acquitter de leurs dettes, des gouvernements et des banques centrales ont lancé ou lanceront un certain nombre d’initiatives pour soutenir les emprunteurs et les banques. On prévoit que d’autres mesures de soutien et d’allégement seront offertes par les banques et les parties liées des emprunteurs, si ce n’est déjà fait. Ces mesures varient selon les territoires et comprennent notamment :

  • des congés de paiement prévoyant ou non des intérêts pour les retards de paiement;
  • des garanties d’emprunt des parties liées, des gouvernements et des banques centrales;
  • des prêts aux entreprises ou l’injection de capitaux par des gouvernements ou des parties liées;
  • des sommes versées par les gouvernements à des particuliers pour compenser les pertes de revenu;
  • des sommes versées par les gouvernements à des banques à titre de remboursement des pertes subies sur certains prêts;
  • la diminution de l’impôt des sociétés ou le report des dates d’exigibilité de l’impôt;
  • l’offre de nouvelles facilités d’emprunt bancaire comme des découverts, des prêts à court terme et des prêts hypothécaires;
  • l’offre de nouvelles facilités d’emprunt des gouvernements;
  • des exemptions de frais sur les découverts bancaires, les retards de paiement et les retraits en espèces sur des cartes de crédit;
  • la renégociation des conditions de prêts afin de reporter les échéances et de réduire les paiements à court terme.

Certaines de ces mesures donneront lieu à une modification des conditions contractuelles des prêts qui doit être évaluée pour déterminer son incidence sur la comptabilisation ultérieure du prêt (voir ci-dessous). Dans certains cas, il est possible qu’un prêteur indique son intention de modifier les conditions contractuelles d’un instrument, mais qu’il n’ait pas encore d’accord contractuel exécutoire pour le faire. Cette intention n’a aucune incidence sur la comptabilisation de l’instrument, puisqu’elle n’est pas visée par un accord contractuel exécutoire. Par conséquent, elle ne donne pas lieu à la modification des conditions contractuelles en vigueur. Cette intention peut toutefois influer sur le classement par phase des expositions et sur l’évaluation des PCA, puisque ces dernières se fondent sur les flux de trésorerie attendus (p. ex., les emprunteurs peuvent reporter leurs paiements de trésorerie en fonction des flux de trésorerie révisés attendus avant qu’ils ne soient visés par un contrat).

Les mesures visant à aider les emprunteurs à rembourser les montants dus selon les conditions initiales de leur prêt auront une incidence sur l’évaluation des PCA, mais n’influeront pas sur la valeur comptable brute du prêt. Les mesures visant à rembourser en partie ou en totalité les pertes subies par le prêteur en raison du non-paiement d’un emprunteur et qui ne font partie intégrante des conditions du prêt initial n’auront aucune incidence sur la comptabilisation du prêt ni sur l’évaluation des PCA connexes, et sont comptabilisées séparément du prêt puisqu’elles ne sont pas réputées faire partie du contrat de prêt.

Lorsque sont modifiées les conditions contractuelles d’un prêt évalué au coût amorti ou à la juste valeur par le biais des autres éléments du résultat global, cette modification doit être évaluée selon IFRS 9 afin de déterminer si elle donne lieu à la décomptabilisation de l’actif. En termes clairs, les changements des flux de trésorerie attendus envisagés en vertu des conditions contractuelles d’un prêt ne sont pas considérés comme une modification. À titre d’exemple, l’exercice d’une option de report des paiements prévue dans les conditions d’un prêt est comptabilisé en fonction des dispositions concernant l’évaluation au coût amorti et ne correspond pas à une modification des conditions contractuelles, mais plutôt à l’application de ces conditions.

Évaluation des modifications aux fins de la décomptabilisation
IFRS 9 donne peu d’indications pour déterminer si la modification d’un actif financier donne lieu à la décomptabilisation de cet actif. Selon les critères de décomptabilisation d’IFRS 9, la modification d’un actif financier peut donner lieu à sa décomptabilisation uniquement lorsque les droits contractuels sur ses flux de trésorerie arrivent à expiration. La décomptabilisation peut s’appliquer à certains flux de trésorerie spécifiés, à une part exactement proportionnelle (au prorata) des flux de trésorerie ou à une part exactement proportionnelle (au prorata) de certains flux de trésorerie spécifiés d’un actif financier. Si l’on renonce aux droits contractuels sur ces flux de trésorerie et que ces derniers arrivent donc à expiration, il se peut que les autres conditions contractuelles demeurent inchangées, et que seule cette partie de l’actif financier sous-jacent soit décomptabilisée.

En l’absence d’indications plus précises pour déterminer le moment auquel les flux de trésorerie d’un prêt modifié arrivent à expiration, la prise en compte des indications concernant les modifications substantielles des passifs financiers constitue un moyen approprié d’évaluer si une modification ou une renégociation d’un actif financier donne lieu à sa décomptabilisation.

En ce qui concerne les modifications des passifs financiers, IFRS 9 précise qu’une « modification substantielle des conditions d’un passif financier existant ou d’une partie d’un passif financier existant (qu’elle soit attribuable ou non aux difficultés financières du débiteur) doit être comptabilisée comme une extinction du passif financier initial et la comptabilisation d’un nouveau passif financier ».

Par conséquent, un actif financier doit être décomptabilisé si une modification ou une renégociation donne lieu à des conditions substantiellement différentes. Cette évaluation peut tenir compte de facteurs qualitatifs et quantitatifs, et uniquement de facteurs qualitatifs lorsqu’il est clair d’un point de vue qualitatif que les conditions sont substantiellement différentes. L’exercice du jugement peut être nécessaire pour déterminer ce qui constitue des conditions substantiellement différentes. Les entités doivent fournir des informations sur la méthode comptable retenue pour déterminer si la modification d’un actif financier est substantielle, si cela est utile à la compréhension des états financiers.

Si l’évaluation qualitative a été réalisée, mais qu’un doute subsiste concernant le caractère substantiel de la modification d’un actif financier, il convient de procéder à l’évaluation quantitative selon les indications fournies pour les passifs financiers. En procédant ainsi, une modification est généralement considérée comme substantielle si la valeur actualisée nette des flux de trésorerie selon les nouvelles conditions, y compris les honoraires versés et reçus, diffère d’au minimum 10 % de la valeur actualisée nette des flux de trésorerie restants de l’actif financier avant la modification, les deux valeurs étant actualisées au taux d’intérêt effectif initial de l’actif financier avant la modification.

Dans le cas d’une modification ou de la renégociation d’un actif financier déprécié ou d’un actif financier déprécié dès son acquisition ou sa création qui faisait l’objet d’une radiation, la valeur comptable brute ne représente plus les flux de trésorerie contractuels dans leur intégralité, car l’entité n’a pas d’attente raisonnable quant au recouvrement de ces flux de trésorerie. Ainsi, IFRS 9 les considère comme étant décomptabilisés. Dans de telles circonstances, il peut être approprié de tenir compte des flux de trésorerie attendus (c.-à-d. les flux de trésorerie contractuels diminués des flux de trésorerie radiés plutôt que les flux de trésorerie contractuels dans leur intégralité) avant la modification ou la renégociation et de les comparer avec les flux de trésorerie contractuels après la modification ou la renégociation, en particulier lorsque la modification ou la renégociation peut être vue comme une faveur pour l’emprunteur qui modifie en substance le contrat afin de refléter ces flux de trésorerie attendus.

Modifications qui donnent lieu à la décomptabilisation
Si la modification d’un actif financier évalué au coût amorti donne lieu à la décomptabilisation, le nouvel actif financier est alors comptabilisé initialement à la juste valeur et un profit ou une perte sur décomptabilisation est comptabilisé(e) en résultat net, qui correspond à l’écart entre le coût amorti de l’ancien instrument (incluant les pertes de crédit attendues mises à jour) à la date de la décomptabilisation et la juste valeur du nouvel instrument à cette date. Le paragraphe 82(aa) d’IAS 1 exige que ce profit ou cette perte soit présenté(e) dans un poste distinct du résultat net.

Lorsqu’un actif financier est déprécié et que la modification donne lieu à la décomptabilisation de l’actif financier initial, le nouvel actif financier comptabilisé n’est pas automatiquement réputé être un actif financier déprécié dès sa création simplement parce que l’actif a été déprécié avant la modification. Les actifs financiers dépréciés peuvent être restructurés afin de prévoir un allégement pour l’emprunteur par l’intermédiaire d’une dispense partielle de remboursement des montants dus et ainsi réduire la PD de l’emprunteur. Cependant, il est possible que les difficultés financières de l’emprunteur perdurent après la restructuration, donnant lieu à des pertes de crédit attendues plus importantes que les pertes de crédit attendues lorsque l’actif financier était d’abord créé avant d’être restructuré.

L’exigence prévue dans le paragraphe 5.5.3 d’IFRS 9, selon laquelle on apprécie si le risque de crédit a augmenté de façon importante depuis la comptabilisation initiale, s’appuiera sur la comparaison du risque de crédit à la date de clôture avec le risque de crédit lors de la comptabilisation initiale qui, dans ce cas, correspond à la date de la modification, car il s’agit de la date à laquelle l’actif financier a été initialement comptabilisé.

Cependant, dans certaines circonstances inhabituelles suivant une modification qui donne lieu à la décomptabilisation de l’actif financier initial, il peut exister des indications selon lesquelles l’actif financier modifié est déprécié à la comptabilisation initiale et, par conséquent, il devrait être comptabilisé à titre d’actif financier déprécié dès sa création.

Modifications qui ne donnent pas lieu à la décomptabilisation
Si la modification ne donne pas lieu à la décomptabilisation de l’actif, les conditions de l’actif modifié sont actualisées au moyen du taux d’intérêt effectif initial pour calculer la nouvelle valeur comptable brute, et un profit ou une perte sur modification est comptabilisé(e) en résultat net pour refléter l’écart entre l’ancienne valeur comptable brute et la nouvelle valeur comptable brute. Par exemple, une banque peut s’entendre avec un emprunteur pour lui permettre de reporter des paiements pendant une certaine période, sans que ces paiements différés donnent lieu à des intérêts additionnels visant à fournir une contrepartie au prêteur pour la valeur temps de l’argent et le risque de crédit. Si ce congé de paiement est considéré comme une modification ne donnant pas lieu à des conditions substantiellement différentes car les montants absolus des flux de trésorerie initiaux du prêt ne changent pas, mais que l’échéancier des flux de trésorerie est reporté, la perte découlant de l’absence de compensation pour la valeur temps de l’argent et le risque de crédit sera comptabilisée en résultat net en tant que perte sur modification, car la valeur comptable brute de l’actif est réduite.

Si l’actif n’est pas considéré comme déprécié, il est nécessaire de déterminer s’il se trouve à la phase 1 ou à la phase 2 du modèle de dépréciation. Le risque de crédit initial lié au prêt avant la modification est utilisé pour déterminer s’il y a eu une augmentation importante du risque de crédit depuis la comptabilisation initiale. À la date de clôture, le risque de crédit initial est comparé au risque de crédit du prêt modifié pour déterminer s’il y a eu une augmentation importante du risque de crédit depuis la comptabilisation initiale et à quelle phase du modèle se trouve l’actif. La modification pourrait se traduire par le classement de l’actif dans une autre phase. À titre d’exemple, la modification des flux de trésorerie pourrait donner lieu à une réduction de la PD par rapport aux conditions initiales. De leur côté, les banques doivent tenir compte des facteurs ayant entraîné la modification et qui pourraient indiquer une PD plus élevée. Tout écart entre les PCA à l’ouverture et les PCA à la clôture est comptabilisé en résultat net à titre de gain ou de perte de valeur, séparément de tout profit ou perte sur modification.

Les modifications ayant pour effet de réduire les flux de trésorerie auxquels le prêteur a droit ne donneront pas tous forcément lieu à une modification de la phase aux fins de la dépréciation. Il est nécessaire de bien connaître la qualité de crédit de l’emprunteur, tant avant qu’après la modification. Certains gouvernements offrent des congés de paiement aux particuliers emprunteurs pour atténuer les difficultés financières des ménages ayant subi une perte de revenu. La question de savoir si ces congés de paiement se traduiront par un changement dans les phases des PCA (p. ex. le reclassement de la phase 1 à la phase 2 en raison de l’indication d’une augmentation importante du risque de crédit) dépendra de la situation de chaque emprunteur. Le paragraphe 5.5.4 d’IFRS 9 permet la réalisation d’une appréciation collective aux fins de l’évaluation des PCA, notamment la répartition des expositions par phase, lorsque la variation du risque de crédit des emprunteurs ne peut être appréciée sur une base individuelle. De plus, les banques pourraient devoir séparer leurs portefeuilles pour tenir compte du fait que des groupes d’emprunteurs au sein d’un portefeuille ne sont plus exposés au même risque de crédit.

Délais de grâce
La modification des conditions d’un prêt en raison des difficultés financières d’un emprunteur constitue souvent l’octroi d’une faveur ou d’un délai de grâce sans lequel l’emprunteur se serait trouvé en situation de défaillance, et le prêteur aurait enregistré une insuffisance de crédit. Dans ce cas, l’actif répond à la définition d’un actif déprécié (c.-à-d. qu’il se trouve à la phase 3). Cependant, les modifications de prêt comme les congés de paiement ne donnent pas toutes lieu à une augmentation importante du risque de crédit (reclassement à la phase 2 ou 3) ou à une dépréciation du prêt (phase 3). Lorsque des modifications sont offertes en vertu d’une politique à tous les emprunteurs d’un pays, d’une région ou d’un secteur touché, il sera nécessaire d’évaluer la situation particulière des emprunteurs pour déterminer si elle reflète l’insuffisance de flux de trésorerie attendue. Dans les cas où une mesure d’allégement est offerte à tous les emprunteurs au moyen de la modification des conditions contractuelles, mais que cette mesure doit être appliquée en respectant certains critères de détérioration de la qualité de crédit, la probabilité que l’utilisation de la mesure d’allégement indique une augmentation importante du risque de crédit ou que l’actif réponde à la définition d’un actif déprécié augmente. Dans certains cas, un emprunteur peut se prévaloir d’un congé de paiement qui constitue un avantage sur le plan des liquidités, mais ne donne pas lieu à une augmentation importante de la PD de l’emprunteur pour la durée de vie. Un examen attentif de la situation particulière des emprunteurs est nécessaire pour déterminer si la modification du calendrier des flux de trésorerie contractuels correspond à une augmentation importante du risque de crédit ou à une indication de dépréciation de l’actif financier.

Mesures de soutien pour les emprunteurs
Les mesures visant à aider les emprunteurs à rembourser les montants dus selon les conditions initiales de leur prêt (p. ex. des mesures de soutien du revenu du gouvernement) peuvent avoir une incidence sur la détermination de la phase d’un prêt, puisqu’elles influeront sur la capacité d’un emprunteur à s’acquitter de ses obligations. Ces mesures peuvent également influer sur l’évaluation des pertes de crédit attendues pour les 12 mois à venir ou pour la durée de vie, puisqu’elles accroissent la capacité de l’emprunteur à rembourser ses dettes. Il sera important pour les banques d’évaluer soigneusement les mesures de soutien offertes aux emprunteurs et de déterminer si leurs clients pourront s’en prévaloir. En cas d’incertitude, elles devront évaluer la probabilité que ces mesures soient disponibles et les montants offerts dans le cadre de ces mesures en fonction des informations raisonnables et justifiables disponibles à la date de clôture.

Les mesures de soutien peuvent réduire la PD des emprunteurs. Ce ne sera pas forcément le cas de toutes les mesures de soutien, puisque la PD utilisée pour la détermination des phases reflète la PD globale pour la durée de vie, qui elle-même reflète la capacité des emprunteurs à s’acquitter de leurs obligations à leur échéance. Il se peut que les mesures de soutien du gouvernement ne compensent qu’en partie l’augmentation de la PD d’un emprunteur découlant des conditions économiques actuelles.

Mesures de soutien aux banques
Les mesures visant à rembourser aux banques les pertes subies en raison du non-paiement d’un emprunteur devront être évaluées attentivement pour déterminer si elles font partie intégrante des conditions contractuelles du prêt, auquel cas les flux de trésorerie seront pris en compte dans l’évaluation des PCA. Toutefois, ces mesures ne sont pas prises en compte dans l’évaluation de la probabilité de défaillance, comme c’est le cas pour les autres mesures d’atténuation des pertes de crédit comme les garanties, qui sont uniquement prises en compte dans l’évaluation de la perte en cas de défaillance.

Si le rehaussement de crédit ne fait pas partie intégrante des modalités du prêt, les flux de trésorerie devant être reçus ne sont inclus ni dans l’évaluation de la probabilité de défaillance ni dans l’évaluation des pertes de crédit attendues. Un actif distinct au titre du remboursement est plutôt comptabilisé dans la mesure où les conditions prévues dans IAS 37, Provisions, passifs éventuels et actifs éventuels sont remplies.

IFRS 9 ne précise pas si les rehaussements de crédit font partie intégrante des modalités contractuelles des instruments financiers, même si le Groupe sur les ressources transitoires liées à la dépréciation des instruments financiers de l’IASB a reconnu que certaines garanties qui ne font pas partie du prêt peuvent être réputées comment en faisant partie intégrante. Dans le cas où des mesures récentes ont été introduites en réponse à l’incidence économique de la COVID-19, lesquelles n’étaient pas envisagées lorsque le prêt a été consenti, ces mesures mises en place pour soutenir les banques ne seront généralement pas considérées comme faisant partie intégrante des modalités du prêt. Dans le cas où des banques accordent de nouveaux prêts dans le cadre du programme d’aide publique pour les emprunteurs touchés par l’incidence économique de la COVID-19, en payant au gouvernement la garantie de remboursement en partie ou en totalité pour les éventuelles pertes de crédit subies, alors la garantie peut faire partie intégrante des modalités du prêt. Déterminer ce qui fait partie intégrante des modalités peut exiger de porter un jugement important qui justifie la présentation d’informations.

 

Informations à fournir

IFRS 7, Instruments financiers : Informations à fournir impose de fournir des informations détaillées sur le risque de crédit, lesquelles ne font pas l’objet de la présente publication. Les informations relatives au risque de crédit exigées par IFRS 7 doivent permettre aux utilisateurs des états financiers de comprendre l’effet du risque de crédit sur le montant, l’échéance et le degré d’incertitude des flux de trésorerie futurs (paragraphe 35B d’IFRS 7). IFRS 7 prévoit la présentation obligatoire de plusieurs informations quantitatives, même si le besoin d’élargir les informations qualitatives sera pressant pour expliquer l’incidence du contexte économique actuel sur le montant, le calendrier et le degré d’incertitude des flux de trésorerie futurs. Plus particulièrement, les informations à fournir doivent aider les utilisateurs à comprendre le flux des expositions dans les trois volets du modèle général d’évaluation des pertes de crédit attendues et l’incidence connexe sur les montants comptabilisés. Compte tenu des domaines abordés précédemment dans la présente publication, une attention particulière doit être portée aux obligations d’information d’IFRS 7 concernant la façon dont les informations prospectives sont prises en compte dans la détermination des pertes de crédit attendues (paragraphe 35G(b) d’IFRS 7), l’incidence des modifications des flux de trésorerie contractuels n’ayant pas donné lieu à la décomptabilisation (paragraphe 35J d’IFRS 7) et l’incidence des garanties et autres rehaussements de crédit (paragraphe 35K d’IFRS 7).

IFRS 7 s’applique aux états financiers annuels, et non aux états financiers intermédiaires. Cependant, pour les états financiers intermédiaires, IAS 34, Information financière intermédiaire, exige que le rapport financier intermédiaire contienne une explication des événements et des transactions importants pour comprendre l’évolution de la situation et de la performance financières de l’entité depuis la fin de la dernière période de présentation de l’information financière annuelle (IAS 34.15). Pour les banques, le ralentissement de l’activité économique et la détérioration du crédit qui en résulte depuis la dernière date de clôture constitueraient un événement qui justifierait la présentation d’informations. Il faudrait déterminer si les informations à fournir dans les états financiers annuels selon IFRS 7 devraient être partiellement reproduites dans le rapport financier intermédiaire afin de se conformer à la présentation de l’explication exigée par IAS 34.

Les entités devraient revoir la présentation d’informations sur les jugements portés par la direction lors de l’application des méthodes comptables de l’entité qui ont le plus d’incidence sur les montants comptabilisés dans les états financiers (IAS 1.122). Il est possible que la direction ait porté de nouveaux jugements à la lumière du contexte économique actuel, ce qui justifierait la présentation d’informations qui n’était pas justifiée dans les états financiers antérieurs. De la même façon, il sera nécessaire de revoir la présentation d’informations concernant les sources d’incertitude relative aux estimations (IAS 1.125) étant donné que les incertitudes pourraient avoir changé ou être exacerbées depuis la dernière période de présentation de l’information financière. La comptabilisation des pertes de crédit attendues implique souvent un certain degré d’incertitude relative aux estimations, surtout dans un contexte d’incertitude plus élevée où divers scénarios économiques pourraient se produire à la suite des répercussions immédiates de la COVID-19.

La présentation d’informations relatives à des événements postérieurs à la date du bilan ne donnant pas lieu à des ajustements est mentionnée dans la section « Application et calendrier de comptabilisation » ci-dessus.

 

Pour plus d'information

Pour en savoir davantage, veuillez communiquer avec Kerry Danyluk, Diana De Acetis, Maryse Vendette, Joyce Lam, Alexia Donoghue ou An Lam.

 

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1 Les paragraphes 5.5.13 et 5.5.14 d’IFRS 9 prévoient une exception à l’égard des actifs dépréciés dès leur acquisition ou leur création.

2 Le paragraphe B5.5.22 d’IFRS 9 précise qu’un actif présente un faible risque de crédit s’il comporte un faible risque de défaillance et si l’emprunteur a une solide capacité à remplir ses obligations au titre des flux de trésorerie contractuels à court terme, et que cette capacité ne sera pas nécessairement diminuée par des changements défavorables dans les conditions économiques et commerciales à plus long terme, même si elle peut l’être.

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